CHRONIQUE #1 Fric & Rentrée
D'accord, d'accord. Le monde pue mais j'essaye de rester tout de même dans un domaine accessible à mon petit statut de lycéenne française qui ne regarde pas le 20H. Je vois quelque chose dans la rue, ça m'énerve, j'en parle. La faim dans le monde devra attendre que je sois un peu moins stupide.
... Si les étudiants en sont encore aux soirées d'intégration et aux joyeux bizutages de début d'année, la majorité des scolaires de France ont du lâcher pelles et seaux pour se diriger à grand pas sur le chemin de l'école.
Ouais, c'est rude, la rentrée. Ça l'a toujours été. Déjà en maternelle où nous étions lâchement abandonné dans cette cage aux lions par nos propres géniteurs, c'était une véritable torture - même si on pleurait tout de même de devoir quitter nos copains quand la journée se terminait.
Et chaque année, c'est rebelote, et fin août début-septembre une foule de jeunes boudeurs s'engouffrent dans les papeteries et grandes surfaces. On rachète trousse, feuilles, stylos, cahiers, on se perd dans les rayons des listes de cinq mètres à la main, les mères soupirent, les gamins exigent leur sac hello kitty ou leur règle pokémon. On a tous vécu ça, un jour ou l'autre. Nous sommes d'heureux petits européens bénéficiant d'une éducation scolarisée de qualité, gratuite et obligatoire.
On ne se plaint pas.
Cette année dans plusieurs régions de France, un système de réductions sur l'accès à la culture et pour l'achat des fournitures s'est mis en place. Comme par exemple, sur Midi-Pyrénées, dans le Sud de la France - ma région, pas étonnant que j'en parle, donc.
Remplaçant le chéquier lecture permettant à de nombreuses familles de ne pas crouler sous les 200 euros annuel d'achat de manuels, la région annonce dans la joie et la bonne humeur la création d'une CARTE JEUNE.
Cette carte permettrait de participer, selon le revenu des parents, au paiement des manuels mais pourrait remplacer également la carte de self, tout en faisant bénéficier de réductions sur des spectacles ou des expositions. Un beau programme, une belle équité, une sacré promesse - vive la république et vive la france!
La rentrée 2012 arrive, la carte jeune aussi. Sa commande doit se faire sur internet. Un formulaire à remplir et des documents importants à scanner; c'est un peu le début des embrouilles... Tout le monde a t-il aujourd’hui réellement accès à un ordinateur, un scanneur? La connexion sur le site s'avère plus que terrifiante, le formulaire n'en finis pas, la page d'aide sur le scan et l'envoie des documents également. On s’inquiète un peu, tout ce qui est mis sur le web y reste à jamais, ne serait-il pas un peu risquer d'y jeter sans y penser une déclaration de revenu, le livret de famille,un justificatif de domicile et tout le patatrin?
Très bien, on est pas très geek, on a pas trop confiance, on a pas spécialement envie d'acheter un scanneur pour une carte, optons pour le formulaire écrit!... Si seulement celui-ci existait et était mis à disposition dans les collèges et lycées et je dis bien TOUS les collèges et lycées.
Certains abandonnent l'idée, d'autres persévèrent, la majorité des petits élèves auront leur carte -certes à la bourre, - mais ils l'auront quand même.
La carte arrive dans notre boite aux lettres. Joie! On aura peut-être bien la possibilité de commencer une activité sportive cette année et les parents ne râleront plus sur le coût trop important des fournitures scolaires.
Si les plus riches - pour parler vrai - disposeront de 40euros de crédit, quel sera celui de ceux qui en ont le plus besoin?
130 euros, c'est écrit noir sur blanc, et ce serait quand même vraiment cool.
Problème. On se retrouve avec 50 euros, point barre. On est dans une situation peut-être un peu plus complexe que les petits chiffres des catégories décrites sur le dispositif, mais la carte jeune s'en fout, la carte jeune te met dans une case et si t'es dans la mauvaise, tant pis. 50 euros. Tu ne peux pas négocier. Tu es sensé être un enfant avec deux parents dans un foyer chaud et rassurant, avec un matériel informatique de qualité et du temps à perdre.
Un livre d'Histoire de Terminale et un livre d'Anglais LV1 petit format revienne à 52 euros. Chouette. Quelle belle évolution depuis les 150 euros donnés l'an dernier sur le petit chéquier que tout le monde recevait. De plus qu'elle n'est accessible que sur une région, longue vie à l'équité! Quelle douce idée, si pouvoir l'utiliser signifie recevoir trois courriers à deux mois d'écart chaqu'un, histoire de bon, pouvoir acheter ses manuels en novembre, quoi, histoire de.
Alors, qu'est-ce qu'on fait? On donne à personne de l'argent sous prétexte que ça favorise l'égalité, on laisse les manuels coûtés aussi chers et ne servirent à presque rien pendant l'année, pour que personne ne vous le rachète l'année suivante?
C'est un sujet mineur, mais un sujet quand même, moi je tape des pieds dans les papeteries, je dis qu'ça m'énerve.
Deux fois moins de prof, deux fois moins d'aides, pas de bourses, deux fois plus d'élèves.
Gloire à l'éducation nationale.